lundi 27 janvier 2014

Embrouille n.2 ou comment le localisme dégrade le surf

     Après une semaine plutôt paisible (en regard des évènements passés), nos derniers jours au Nicaragua auraient pu être plus agréables. Malheureusement, une deuxième altercation, de nouveau à la plage, risque de nous laisser un goût amer.

     Tout a commencé il y a trois semaines environ. Alors que nous surfions tous ensemble, locaux et étrangers, pour une fois en paix et plutôt harmonieusement (chacun son tour pour prendre une vague), un jeune local, appelons-le Juan, est entré à l’eau. Comme à son habitude, et contrairement aux autres, pas un bonjour, pas un sourire, il rame rapidement, la tête haute et le visage fermé.
A peine arrive une série qu’il prend la première vague à sa portée, qu’il y ait déjà quelqu’un ou pas, ça n’est pas son problème… Autrement dit, c’est un connard.
Une fois sa vague surfée, il remonte au peak, et recommence, cette fois en ramant tout autour des autres surfeurs, pour récupérer la priorité. Cela ne se fait pas, en surf, c’est plus qu’une impolitesse,  ça pourrait être l’équivalent d’une queue de poisson sur la route. Bref, c’est égoïste, dangereux et surtout très irrespectueux… d’autant plus si cela fait 20 minutes que tu attends une vague et que tu as enfin la priorité Il semble d’ailleurs que cette action, « snaker » pour les initiés, soit un peu reine à Popoyo car certains le font assez couramment. Mais passons. La plupart des locaux, souvent bons surfeurs, connaissent suffisamment bien la vague pour ne pas avoir à snaker ou voler les vagues de qui que ce soit ; en général ils prennent les leurs, respectent les autres, et tout le monde est content.

     Mais ce petit malin, Juan, ne respecte rien ni personne, et prend toutes les vagues qui lui passent sous la main, sans aucun cas de conscience.
Après l’avoir observé (ou plutôt, subit) pendant plusieurs sessions et ne prenant plus de vagues à cause de lui, ma colère atteint son paroxysme quand enfin j’en ai une, et qu’il me POUSSE pour m’empêcher de partir et la prendre à ma place !
En ébullition, mais essayant de le cacher tant bien que mal, je lui fais remarquer quand il revient que son attitude n’est pas très appréciable et qu’il manque de manières (bon ok, c’était peut-être pas aussi poli, mais les nuances en espagnol, hein…). Là c’est lui qui explose, se met à m’engueuler et m’explique que primo j’ai rien à dire, que je suis en vacances alors que lui travaille et qu’en outre il est chez lui, donc j’ai tort (c’est sûr on ne travaille jamais nous les touristes, et d’ailleurs lui il travaille tant qu’il est à l’eau tous les jours… enfin bref) et deuxio, que je suis une femme et par conséquent je lui dois le respect et donc je la ferme !!! Aaaarggg ! Un gamin de 18 ans à peine, AU SECOURS.

     Bref on commence à s’engueuler ferme (j’ai acquis un vocabulaire particulièrement étoffé en la matière durant mes années au Panama, merci à tous les drames de l’époque), et là il s’en prend à mon « époux », qui n’est pas là (car, soit dit au passage, il trouve la vague trop facile et à été surfer un spot plus puissant) mais qui « n’aura plus jamais le droit de surfer ici ». AHAH. Macho land, bonjour. Moi par contre, j’ai le droit. Va comprendre.
Suite à quoi le mec me traite de folle, moi de connard, et on en reste là. Ses amis ne veulent pas s’en mêler et calment le jeu, mais apparemment le jeune Juan fait souvent des esclandres.


     L’affaire s’était bien tassée et nous nous évitions soigneusement à l’eau, d’un accord tacite de détestation mutuelle mais pacifique. Jusqu’à ce matin, où « mon époux » s’est décidé à venir surfer sur le reef. Vagues d’1m, on est quatre à l’eau, ambiance cool, session sympa. Et là il arrive.
Comme d’habitude, il ignore tout le monde, mais rame bizarrement autour de Micky, tout en évitant son regard. Ca sent l’embrouille à plein nez. Effectivement, quelques minutes plus tard, Micka prend une vague en droite, l’autre idiot rame comme s’il allait en gauche, puis à la dernière seconde, il change sa trajectoire et part en droite, dans la mousse, juste derrière Mickael, tout en lui criant qu’il lui a volé sa vague !! Quel hypocrite ! C’était sûr, il fallait s’y attendre. Muni de son prétexte, il se met à violemment alpaguer Micka, lui disant qu’il doit le respecter, qu’il doit sortir de l’eau, etc. et faisant mine de le frapper. Tellement facile quand on est seul et qu’il n’y a aucun autre étranger dans les parages... Notre héros déborde de courage (s’il pouvait seulement s’étouffer avec). Mais Micka reste zen, et face à son stoïcisme, le mec s’énerve encore plus et lui dit qu’il va chercher une machette ! Putain mais c’est quoi leur problème avec les machettes, ils sont tous fétichistes ou quoi ??
Enfin le mec décide qu’il veut se battre et dit qu’il attend Mickael sur la plage. Ce dernier s’en fout, il n’a pas peur, mais enfin il y a 5 autres locaux sur le sable et c’est quand même un peu pénible. C’est tous des gamins mais ça craint. Moi j’ai peur.


     Après quelques vagues, nous sortons enfin, et le mec se jette immédiatement sur Mike en brandissant un gros bâton ramassé sur la plage. C’est chaud, mais heureusement Mike continue à avancer et le mec, le diable dans les yeux, se chauffe tout seul pendant que je le retiens avec ma planche (il n’a pas l’air de vouloir frapper une femme, sexe trop faible, s’entend). De rage,  il lance finalement le bâton en plein sur Mike, de dos, qui passe à 10cm de sa tête. Ouf, le drame est évité. Malgré sa fureur et ses menaces, et les gestes obscènes de ses amis à mon égard (trop contents de leur petit numéro d’intimidation), nous pouvons enfin rentrer, dégoutés de la bêtise humaine. Et personnellement un peu sonnée car deux agressions en 10 jours, ça va quoi.

     Plus tard, nous apprenons que deux espagnols se sont fait récemment lyncher car ils ont osé dire que « les locaux sont chiants à l’eau ». Pareil, les mecs les ont attendus à la sortie du surf, mais avec des longs pics de pêche sous-marine cette fois, sympa. Ils ont dû quitter le village en suivant.

     Alors ce que j’en dis, c’est quand même dommage que pour une vague ou une réflexion, une poignée de mecs dont le QI avoisine le nombre de leurs neurones (soit les doigts d’une main) sème la terreur et donne une réputation à tout un village, voire un pays. J’ai voyagé dans la plupart des pays d’Amérique latine, et jamais je n’avais vu de tels comportements, à part peut-être si un mec le cherchait vraiment, mais alors c’était mérité.
Mais de telles actions, gratuites et spécifiquement orientées envers les bons surfeurs, sont vraiment regrettables. Comme lors d’une autre session où quelques locaux se sont ligués entre eux pour ne laisser personne prendre de vagues et ont laconiquement sorti de l’eau un autre bon surfeur de Biarritz parce qu’il prenait soi disant trop de vagues (il était juste meilleur qu’eux, sauf qu’il avait également, la veille, offert une planche quasi neuve à Juan ; pas ingrats les mecs) et se réjouissaient d’avoir failli mettre un aileron dans la tête de quelqu’un. De la stupidité en barres.

     Le plus affligeant c’est qu’il s’agit souvent de très jeunes surfeurs, le futur du village, mais qui d’autre part viennent ensuite pleurer dans les hôtels pour qu’on leur donne des planches ou du matériel… Bien sûr ils s’empressent de revendre le tout et le gentil donateur n’en saura jamais rien. Mais n’est-ce pas là le summum de l’hypocrisie et du dédain ?
Et c’est eux qui, en fin d’équation, sont les grands perdants. Au lieu d’avoir une vision à court terme et arnaquer autant qu’ils le peuvent les étrangers, il leur serait tellement plus utile de s’ouvrir et de s’associer avec ces derniers pour travailler ou participer à des projets. Le village est en plein développement (comme de nombreux autres spots d’Amérique Centrale), un bon surfeur pourrait trouver un sponsor ou même une aide ponctuelle. Ou ne serait-ce qu’apprendre au travers de l’échange interculturel et de la richesse que cela nous apporte mutuellement.

     Ou enfin, sans même viser d’objectif concret, n’est-ce pas déjà une grande réjouissance que de partager des vagues avec d’autres et de voir un grand sourire s’afficher sur le visage de celui à qui on a laissé la vague car il était peut-être mieux placé pour la prendre ?
Je me souviens encore d’une de mes premières sessions ici, c’était gros et tout le monde avait faim car c’était la première bonne houle depuis longtemps. Malgré cela un local (jamais revu depuis, malheureusement) m’a laissé tellement de bonnes vagues qu’il a rendu ma session magique, j’étais extatique de bonheur ! Mais le meilleur, c’est qu’il avait l’air réellement heureux lui aussi de voir à quel point j’étais heureuse et que c’était grâce à lui. Il a aussi eu de super vagues. Nous avons partagé ce moment et c’était beau.



     Et c’est dommage que cela n’arrive pas plus souvent, que les quelques locaux joviaux, gentils et accueillants qui demeurent (et que tout le moment respecte au final), se fassent amalgamer avec tous les autres qui ont choisi la violence et la pire des attitudes.

     On peut toujours se rassurer en se disant que ces derniers sont à plaindre, et qu’ils ne connaitront pas grand choses dans la vie, emprisonnés par leur bêtise et leur étroitesse d’esprit… mais enfin il serait temps que la balance se renverse car le surf est en train de devenir l’opposé de son essence ; à savoir, la simplicité, la symbiose avec la nature et surtout, le partage.

     Ceci étant dit, nous avons passé de super moments ici et avons eu de belles sessions, dont voici quelques photos.
Un grand merci aux photographes et aux chouettes personnes rencontrées grâce à qui notre séjour au Nicaragua a été excellent et mémorable, good times, bad times...









 










3 commentaires:

  1. Très bonne réflection sur le localisme en générale et belles photos! ;)

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  2. moi je te jalouse quand mm lol miss u celine Under the rain in brussel

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