lundi 27 janvier 2014

Embrouille n.2 ou comment le localisme dégrade le surf

     Après une semaine plutôt paisible (en regard des évènements passés), nos derniers jours au Nicaragua auraient pu être plus agréables. Malheureusement, une deuxième altercation, de nouveau à la plage, risque de nous laisser un goût amer.

     Tout a commencé il y a trois semaines environ. Alors que nous surfions tous ensemble, locaux et étrangers, pour une fois en paix et plutôt harmonieusement (chacun son tour pour prendre une vague), un jeune local, appelons-le Juan, est entré à l’eau. Comme à son habitude, et contrairement aux autres, pas un bonjour, pas un sourire, il rame rapidement, la tête haute et le visage fermé.
A peine arrive une série qu’il prend la première vague à sa portée, qu’il y ait déjà quelqu’un ou pas, ça n’est pas son problème… Autrement dit, c’est un connard.
Une fois sa vague surfée, il remonte au peak, et recommence, cette fois en ramant tout autour des autres surfeurs, pour récupérer la priorité. Cela ne se fait pas, en surf, c’est plus qu’une impolitesse,  ça pourrait être l’équivalent d’une queue de poisson sur la route. Bref, c’est égoïste, dangereux et surtout très irrespectueux… d’autant plus si cela fait 20 minutes que tu attends une vague et que tu as enfin la priorité Il semble d’ailleurs que cette action, « snaker » pour les initiés, soit un peu reine à Popoyo car certains le font assez couramment. Mais passons. La plupart des locaux, souvent bons surfeurs, connaissent suffisamment bien la vague pour ne pas avoir à snaker ou voler les vagues de qui que ce soit ; en général ils prennent les leurs, respectent les autres, et tout le monde est content.

     Mais ce petit malin, Juan, ne respecte rien ni personne, et prend toutes les vagues qui lui passent sous la main, sans aucun cas de conscience.
Après l’avoir observé (ou plutôt, subit) pendant plusieurs sessions et ne prenant plus de vagues à cause de lui, ma colère atteint son paroxysme quand enfin j’en ai une, et qu’il me POUSSE pour m’empêcher de partir et la prendre à ma place !
En ébullition, mais essayant de le cacher tant bien que mal, je lui fais remarquer quand il revient que son attitude n’est pas très appréciable et qu’il manque de manières (bon ok, c’était peut-être pas aussi poli, mais les nuances en espagnol, hein…). Là c’est lui qui explose, se met à m’engueuler et m’explique que primo j’ai rien à dire, que je suis en vacances alors que lui travaille et qu’en outre il est chez lui, donc j’ai tort (c’est sûr on ne travaille jamais nous les touristes, et d’ailleurs lui il travaille tant qu’il est à l’eau tous les jours… enfin bref) et deuxio, que je suis une femme et par conséquent je lui dois le respect et donc je la ferme !!! Aaaarggg ! Un gamin de 18 ans à peine, AU SECOURS.

     Bref on commence à s’engueuler ferme (j’ai acquis un vocabulaire particulièrement étoffé en la matière durant mes années au Panama, merci à tous les drames de l’époque), et là il s’en prend à mon « époux », qui n’est pas là (car, soit dit au passage, il trouve la vague trop facile et à été surfer un spot plus puissant) mais qui « n’aura plus jamais le droit de surfer ici ». AHAH. Macho land, bonjour. Moi par contre, j’ai le droit. Va comprendre.
Suite à quoi le mec me traite de folle, moi de connard, et on en reste là. Ses amis ne veulent pas s’en mêler et calment le jeu, mais apparemment le jeune Juan fait souvent des esclandres.


     L’affaire s’était bien tassée et nous nous évitions soigneusement à l’eau, d’un accord tacite de détestation mutuelle mais pacifique. Jusqu’à ce matin, où « mon époux » s’est décidé à venir surfer sur le reef. Vagues d’1m, on est quatre à l’eau, ambiance cool, session sympa. Et là il arrive.
Comme d’habitude, il ignore tout le monde, mais rame bizarrement autour de Micky, tout en évitant son regard. Ca sent l’embrouille à plein nez. Effectivement, quelques minutes plus tard, Micka prend une vague en droite, l’autre idiot rame comme s’il allait en gauche, puis à la dernière seconde, il change sa trajectoire et part en droite, dans la mousse, juste derrière Mickael, tout en lui criant qu’il lui a volé sa vague !! Quel hypocrite ! C’était sûr, il fallait s’y attendre. Muni de son prétexte, il se met à violemment alpaguer Micka, lui disant qu’il doit le respecter, qu’il doit sortir de l’eau, etc. et faisant mine de le frapper. Tellement facile quand on est seul et qu’il n’y a aucun autre étranger dans les parages... Notre héros déborde de courage (s’il pouvait seulement s’étouffer avec). Mais Micka reste zen, et face à son stoïcisme, le mec s’énerve encore plus et lui dit qu’il va chercher une machette ! Putain mais c’est quoi leur problème avec les machettes, ils sont tous fétichistes ou quoi ??
Enfin le mec décide qu’il veut se battre et dit qu’il attend Mickael sur la plage. Ce dernier s’en fout, il n’a pas peur, mais enfin il y a 5 autres locaux sur le sable et c’est quand même un peu pénible. C’est tous des gamins mais ça craint. Moi j’ai peur.


     Après quelques vagues, nous sortons enfin, et le mec se jette immédiatement sur Mike en brandissant un gros bâton ramassé sur la plage. C’est chaud, mais heureusement Mike continue à avancer et le mec, le diable dans les yeux, se chauffe tout seul pendant que je le retiens avec ma planche (il n’a pas l’air de vouloir frapper une femme, sexe trop faible, s’entend). De rage,  il lance finalement le bâton en plein sur Mike, de dos, qui passe à 10cm de sa tête. Ouf, le drame est évité. Malgré sa fureur et ses menaces, et les gestes obscènes de ses amis à mon égard (trop contents de leur petit numéro d’intimidation), nous pouvons enfin rentrer, dégoutés de la bêtise humaine. Et personnellement un peu sonnée car deux agressions en 10 jours, ça va quoi.

     Plus tard, nous apprenons que deux espagnols se sont fait récemment lyncher car ils ont osé dire que « les locaux sont chiants à l’eau ». Pareil, les mecs les ont attendus à la sortie du surf, mais avec des longs pics de pêche sous-marine cette fois, sympa. Ils ont dû quitter le village en suivant.

     Alors ce que j’en dis, c’est quand même dommage que pour une vague ou une réflexion, une poignée de mecs dont le QI avoisine le nombre de leurs neurones (soit les doigts d’une main) sème la terreur et donne une réputation à tout un village, voire un pays. J’ai voyagé dans la plupart des pays d’Amérique latine, et jamais je n’avais vu de tels comportements, à part peut-être si un mec le cherchait vraiment, mais alors c’était mérité.
Mais de telles actions, gratuites et spécifiquement orientées envers les bons surfeurs, sont vraiment regrettables. Comme lors d’une autre session où quelques locaux se sont ligués entre eux pour ne laisser personne prendre de vagues et ont laconiquement sorti de l’eau un autre bon surfeur de Biarritz parce qu’il prenait soi disant trop de vagues (il était juste meilleur qu’eux, sauf qu’il avait également, la veille, offert une planche quasi neuve à Juan ; pas ingrats les mecs) et se réjouissaient d’avoir failli mettre un aileron dans la tête de quelqu’un. De la stupidité en barres.

     Le plus affligeant c’est qu’il s’agit souvent de très jeunes surfeurs, le futur du village, mais qui d’autre part viennent ensuite pleurer dans les hôtels pour qu’on leur donne des planches ou du matériel… Bien sûr ils s’empressent de revendre le tout et le gentil donateur n’en saura jamais rien. Mais n’est-ce pas là le summum de l’hypocrisie et du dédain ?
Et c’est eux qui, en fin d’équation, sont les grands perdants. Au lieu d’avoir une vision à court terme et arnaquer autant qu’ils le peuvent les étrangers, il leur serait tellement plus utile de s’ouvrir et de s’associer avec ces derniers pour travailler ou participer à des projets. Le village est en plein développement (comme de nombreux autres spots d’Amérique Centrale), un bon surfeur pourrait trouver un sponsor ou même une aide ponctuelle. Ou ne serait-ce qu’apprendre au travers de l’échange interculturel et de la richesse que cela nous apporte mutuellement.

     Ou enfin, sans même viser d’objectif concret, n’est-ce pas déjà une grande réjouissance que de partager des vagues avec d’autres et de voir un grand sourire s’afficher sur le visage de celui à qui on a laissé la vague car il était peut-être mieux placé pour la prendre ?
Je me souviens encore d’une de mes premières sessions ici, c’était gros et tout le monde avait faim car c’était la première bonne houle depuis longtemps. Malgré cela un local (jamais revu depuis, malheureusement) m’a laissé tellement de bonnes vagues qu’il a rendu ma session magique, j’étais extatique de bonheur ! Mais le meilleur, c’est qu’il avait l’air réellement heureux lui aussi de voir à quel point j’étais heureuse et que c’était grâce à lui. Il a aussi eu de super vagues. Nous avons partagé ce moment et c’était beau.



     Et c’est dommage que cela n’arrive pas plus souvent, que les quelques locaux joviaux, gentils et accueillants qui demeurent (et que tout le moment respecte au final), se fassent amalgamer avec tous les autres qui ont choisi la violence et la pire des attitudes.

     On peut toujours se rassurer en se disant que ces derniers sont à plaindre, et qu’ils ne connaitront pas grand choses dans la vie, emprisonnés par leur bêtise et leur étroitesse d’esprit… mais enfin il serait temps que la balance se renverse car le surf est en train de devenir l’opposé de son essence ; à savoir, la simplicité, la symbiose avec la nature et surtout, le partage.

     Ceci étant dit, nous avons passé de super moments ici et avons eu de belles sessions, dont voici quelques photos.
Un grand merci aux photographes et aux chouettes personnes rencontrées grâce à qui notre séjour au Nicaragua a été excellent et mémorable, good times, bad times...









 










samedi 18 janvier 2014

Braquage à la Nica

     L’horoscope de cette semaine était formel : « Lions, faites attention à vos affaires, risque de vol ».
Une des américaines du dortoir d’en face s’étant fait braquer en pleine nuit durant son sommeil par un local (elle s’est réveillée nez à nez avec le type qui tenait son ipod à la main - choquée à vie, la pauvre), j’en conclus qu’elle était certainement Lion et que l’histoire était réglée…



     Ce matin promettait d’être une belle journée : hausse de la houle, grand soleil, et petite excursion organisée sur un spot voisin plus au Nord avec d’autres amis francophones, bref de bonnes vagues et beaucoup de fun en perspective. On nous avait prévenu qu’il ne fallait rien laisser sur la plage car de nombreux vols avaient eu lieu, la fois d’avant on avait d’ailleurs emmené uniquement le minimum –serviette, eau, gâteaux- et caché le tout sous des rochers, et ça s’était très bien passé.

                                     

     Le spot en question est accessible en marchant une vingtaine de minutes le long d’une plage (excellent beachbreak d’ailleurs !) située à l’extrémité d’un petit village de pêcheurs, où vraiment, il n’y a rien. Ensuite il faut contourner les rochers, et les vagues cassent à l’intérieur d’une baie déserte et rocailleuse, bordée de falaises puis de forêt.
Effectivement, c’est très peu fréquenté, et mis à part quelques locaux qui la traversent de part en part, la plage est vierge. C’est d’ailleurs ce qui fait tout son charme, voire même l’unique intérêt de venir jusqu’ici : surfer une vague sans personne dans un coin tranquille et dépaysant, loin de la horde d’acharnés qui anime Popoyo en ce moment.



     C’est donc enthousiastes et pleins d’entrain que nous sommes arrivés sur le spot ce matin, sachant qu’Anabelle, s’étant fêlé une côte en surfant, allait pouvoir nous prendre en photo durant toute la session. Une motivation de plus et aussi l’occasion de pouvoir amener des affaires, et s’installer confortablement pour une bonne partie de la journée. Ca allait être si chouette ! (Rétrospectivement, je trouve notre naïveté tranquille presque touchante).
Enfin bref, comme je disais, que du bonheur.

                                     

     SAUF QUE, après avoir pris quelques bonnes vagues chacun et s’être réjouit d’être à l’origine d’une si bonne initiative (soit en ayant une pensée pleine de pitié pour tous ceux restés à Popoyo, qui devaient certainement être 30 à l’eau à l’heure qu’il était, ahah, les pauvres, les losers), nous voyons, depuis l’eau, un mec venir s’asseoir à côté d’Anabelle, restée en haut des rochers, à l’ombre de la falaise.
J’en parle avec les autres, mais ici rien de plus normal qu’un mec qui vient bavarder (tenter son coup) chaque fois qu’une fille est seule, donc à l’unanimité, pas d’inquiétude. On plaisante sur le fait qu’il lui demande de voir l’appareil photo de Mike (très beau et TRES CHER) et qu’il parte en courant avec, ahah, mais comme dit Stef « ça va, on n’est pas dans une banlieue au Brésil non plus ! ». C’est clair, ahah, il a raison.





     Bref on prend une vague, tranquille le chat, et là en levant la tête, on voit l’action en direct : le mec se lève et se barre en courant ! Pression !! Annabelle commence à lui courir après ; on se met à ramer comme des malades pour sortir de l’eau mais on est beaucoup trop loin, on hurle au bateau ancré à proximité de prendre le mec en photo, en vain (son objectif ne doit pas être aussi bien que celui de Mike, c’est clair, enfin passons), et après avoir parcouru la moitié de la plage, le mec disparait dans l’épais maquis qui recouvre la colline… on ne peut même pas distinguer le chemin.

     Fous de rage, chargés d’adrénaline et après avoir à peu près tous eu le même cheminement de pensée (putain l’appareil coûte une blinde, la lose !!! -variante de Mike « je vais le buteeeeeeeeer »- puis : Putaaaain, on avait plein de photos de surf dedans, scheisse !!! et enfin (sorry Anabelle !) : Ah mince, j’espère qu’Anabelle va bien ??!), on découvre que l’appareil et son méga objectif sont encore là (soulagement général), mais qu’il a pris nos sacs à dos, et donc toutes nos affaires, à savoir, lunettes de soleil (10 jours sans lunettes sous les tropiques, vraiment, c’est pas cool), appareil photo (le mien, dégoutée), crèmes, toute notre bouffe du jour, pas mal de cash, nos fringues et autres objets sentimentaux respectifs. Là on réalise qu’on vient de se faire dépouiller, qu’on est au milieu de nulle part, qu’Anabelle est en choc, et surtout que ça aurait pu être pire…
Mais nous sommes des être heureux et positifs, nous rebondissons ! Joie. Pat’ décide de rester avec Anabelle et nous encourage à retourner à l’eau pour « ne pas gâcher la journée et rester sur une note positive ». Les vagues sont, en plus, de mieux en mieux, les séries se succèdent sous nos yeux, bref, n’oublions pas pourquoi nous sommes venus, la perte n’est que matérielle après tout. Et surtout, surtout, on peut encore se prendre en photo ! Génial !

     SAUF QUE, alors que Stef et Laurence sont déjà à l’eau, et que Mike et moi sommes sur le point d’y entrer, nous apercevons, depuis le contre-bas des rochers deux nouveaux types qui marchent en direction de Pat’ et Ana, qui eux ne peuvent pas les voir, à cause de l’angle de la falaise. On se met à hurler, à courir, mais ils ne peuvent pas nous entendre à cause du vent. Ils finissent finalement par voir les mecs à temps, qui les dépassent et s’installent juste à côté, à 10m, l’air de rien. La baie fait bien 1km de long, et il n’y a, vraiment, absolument rien, mais ils s’installent quand même, genre, non non, on passait par là, on aime bien ici, faites pas attention à nous.
N’empêchent qu’ils relookent méchamment le peu d’affaire qu’il nous reste. Là on commence à sentir l’embrouille, et notre intuition nous encourage à ne pas retourner surfer, et à rester ici attendre les autres ensemble, à quatre. C’est cool quatre, on s’amuse bien, on est foufous.



     Il ne se passe rien, on n’échange pas un mot, mais l’ambiance commence à être lourde, très lourde, genre super tendue, comme le fil entre l’homme et le marlin, sauf que là le marlin c’est nous, et qu’on n’est plus trop sûr de qui gagne à la fin (pourtant j’aime bien Hemingway, mais pareil, c’était pas un grand optimiste).
Enfin bref, gros silence bien pesant où chacun, en monologue intérieur se demande ce que recommanderait le Lonely Planet dans cette situation, quand soudain, on voit quatre autres mecs qui arrivent, dont deux ont à la main une machette. UNE MACHETTE, si señor.
Alors en Amérique Centrale, rien de plus normal rétorquerez-vous (avec raison), mais quand l’une des machettes est brandie d’un air menaçant en votre direction, genre, ON ARRIVE, là, franchement, on peut commencer à s’inquiéter. Surtout si on imagine que le premier a prévenu les autres pour venir chercher le reste du butin, ce dont ça avait tout l’air.

     Mickael, d’un geste, planque l’appareil en contrebas sous les rochers, j’ai le cœur qui vrille, gros coup de pression, récite en silence un Notre Père et deux Ave Maria (ou un mixe approximatif), je lève la tête, les mecs sont là. Ce sont des jeunes, 18 ans max. Ils se croient très forts. Ils nous regardent d’un air menaçant, en faisant les coqs, font un rapide inventaire de nos biens (3 planches de surf, 2 bouteilles d’eau), et là nous demandent… de l’eau ! Silence et consternation, bref rapide coup d’œil entre nous (de l’eau ?? – en même temps, des planches, c’est plus compliqué à cacher). On lui donne une bouteille, un peu anxieux quand même à propos de la suite. Il ricane, l’embarque, et rejoint les deux premiers, trop fier de lui. Les autres suivent. OUF. Des merdeux quoi. Avec des machettes. Normal.
Là on hallucine un peu, puis on reprend enfin nos esprits et part de là, à toute vitesse, jusqu’à retrouver la civilisation. Plus de peur que de mal.

     Alors bien sûr, au final, se faire braquer pour de l’eau, c’est risible. Mais jamais avant je n’avais ressenti ce sentiment d’impuissance et de vulnérabilité qu’on éprouve face à quelqu’un avec une arme. Là, au milieu de nulle part, sans aucun témoin, tout pouvait arriver. Heureusement que Mike avait pu cacher l’appareil, car il n’aurait pas lâché facilement et ça aurait mal tourné.
Je suis encore choquée de cette triple rencontre (le reste du groupe risque de passer aussi une nuit difficile). Et en colère de savoir que des mecs se permettent de s’approprier tes affaires, juste parce que. Ca fait sûrement petite bourge qui n’a jamais connu l’insécurité, mais j’avais cette pensée un peu naïve que si tu restes confiant et que tu ne penses pas aux éventuels risques ou agressions, effectivement il ne se passe rien, dans la limite du raisonnable bien sûr (technique jusque là efficace d'ailleurs). Mais se faire braquer, en face à face, à la plage, en plein jour, à deux pas d'un village, sérieux, j’aurais jamais cru.
Je suis dégoutée d’avoir perdu mes affaires, de plus avoir de lunettes de soleil ni de crème solaire, qu’un connard malhonnête puisse voir mes photos préférées et même les plus intimes d’entre elles tout en bâfrant nos Oreos, mais ce qui me dégoûte encore plus, c’est d’avoir perdu (du moins pour l’instant, j’espère) cette envie d’être gentille et ouverte avec les locaux que je vois. Aujourd’hui, une fois au village, tout le monde était suspect, je haïssais de tout mon cœur tous les jeunes que j’ai croisés, j’ai suspecté la femme du resto de savoir de qui il s’agissait face à son indifférence (qui sait, peut-être avait-elle même déjà récupéré mon bikini ??). Et ça c’est détestable, être parano, sentir son cœur se fermer et ne plus avoir cette confiance spontanée envers ceux qui nous accueillent et l’ouverture qui donne tout son sens au voyage.

     Ironie du sort, une fois rentrés à l’hôtel, au moment de cuisiner, on a découvert qu'on nous avait volé notre beurre et du fromage dans le frigo, à l’intérieur d’un sac fermé. Bizarrement, c’est ça qui m’a fait disjoncter. Savoir que quelqu’un de la maison, qu’on connait, un de ces backpackers qui sont joyeusement en train de diner à côté de nous, EST le coupable, c’est vraiment pénible.

     Enfin, il faut bien quelques galères en voyage, et puis ça n'est que matériel au final, rien de grave!


Ps. Moralité, il faut toujours écouter son horoscope.

Pps. Et ça va, demain on va surfer en bateau. :-)








mardi 14 janvier 2014

Piqûre de raie, mode d'emploi

Certains diront sûrement qu’un bonheur trop parfait, c’est louche… Ces belles journées à enchainer les sessions et à faire exactement ce dont nous avons envie, sans aucune ombre au tableau, ça en devenait suspect ; était-ce vraiment possible que rien ne vienne troubler notre quotidien paisible ? Comme Lily de How I Met Your Mother le dit si bien : « Where’s the poop, Robin ?? ». Eh bien, la réponse n’a pas tardé.

La petite rivière qu’il faut traverser pour accéder au spot de surf principal, ainsi que son embouchure, sont gavées de raies… et il semble que nous étions les seuls à ne pas être au courant.
Nous la traversions donc chaque jour, sans aucune précaution et encore moins en trainant les pieds pour les faire fuir. Implacablement, le drame devait arriver !

C’est Mickael qui en a fait les frais, et j’ai presque envie de dire, heureusement, car au vu de la douleur, je me serais certainement évanouie et ça aurait bien compliqué les choses. Je ne l’avais encore jamais vu souffrir autant, et ça a duré longtemps, la douleur allant crescendo. Il s’est fait entailler l’orteil bien comme il faut.
En fait, les raies pour se défendre enfoncent dans la chair leur espèce de dard cranté aussi facilement qu’un couteau dans du beurre, laissant une blessure profonde qui saigne abondamment.
La douleur étant très forte, et n’ayant pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire, du niveau d’urgence ni de quoi il s’agissait (une raie ? un serpent de mer ? la mort certaine dans l’heure qui suit ???), un pêcheur local nous a aidé et expliqué la marche à suivre. Je vous la donne ici, car si certains sont aussi ignorants que nous en la matière, ça pourra toujours aider !

  1. Si un organe ou une artère sont touchés, se rendre immédiatement aux urgences, c’est vital.
  2. S’il s’agit d’un pied ou d’une extrémité, l’immerger dès que possible dans de l’eau la plus chaude possible (sans pour autant se brûler, hein, ce serait con) et le plus longtemps possible. L’eau très chaude tue le venin de la raie et soulage relativement la douleur.
  3. Il faut savoir que la 1ère heure (voire plus), la douleur sera de plus en plus forte et remontera le long de la jambe jusque l’aine, donnant des mini décharges électriques, sueurs froides, et l’envie de casser tout ce qu’il y a autour de soi (ou éventuellement de dégommer les personnes qu’on ne porte pas dans son cœur ; on conseille aux ennemis de rester en retrait). Bref de fortes montées de violence et autres envies de hurler sont à prévoir.
  4. Après avoir laissé tremper une heure ou deux, nettoyer la plaie et la presser au maximum afin de faire sortir le sang empoisonné. Ca aussi c’est très douloureux mais vraiment nécessaire.
  5. Ne pas lésiner sur les shots de rhum ou de téquila si vous en avez sous la main, ça peut faire son effet.
  6. Refaire tremper dans l’eau chaude, et si possible de nouveau le lendemain matin.
  7. Rester hors de l’eau un jour ou deux. Normalement après ça va. Si la douleur persiste ou la plaie est trop profonde, il faut bien sûr aller voir un médecin et/ou prendre des antibiotiques. Mais dans le cas ou le 1er médecin est à 2h de route comme ici, ces premiers gestes devraient bien aider.

Mike va mieux maintenant et il s’est même remis un tube ce matin, bref, retour à la normale.
La houle tant attendue a commencé à rentrer, et à priori cette semaine de surf devrait être excellente !! Ce sera aussi l’occasion de profiter des spots aux alentours qui marchent seulement quand c’est plus gros. Si on a le courage, on sortira de l’eau à temps pour se prendre mutuellement en photo. A suivre… !



dimanche 12 janvier 2014

Des vagues, une île et deux volcans

Après une semaine de surf quotidien à Popoyo (on ne s’en lasse pas !), et des rencontres sympas avec des français et des québécois surfeurs de rivière (même en hiver par -20°C, motivation de fou !), nous sommes partis visiter l’île la plus connue du pays : Ometepe. Située au cœur du Lac Nicaragua, elle porte fièrement ses deux grands volcans dont le sommet est accessible après une marche de 4 à 5h.
Ici aussi la nature est luxuriante ; les fleurs multicolores et autres plantes tropicales y abondent, et en cherchant bien on peut même apercevoir des perroquets ou des singes hurleurs.
Il a suffit d’une traversée de l’île en bus, suivie d’un lunch sur la plage ventée de Santo Domingo et d’une longue promenade vers le cœur de la forêt pour enfin nous rafraichir dans des bassins naturels d’eau thermale aux reflets turquoise, et poétiquement appelés « Ojo de Agua » (Œil d’eau). Dommage que les abords aient été tant aménagés, à grands renforts de tables, chaises longues, douches, vestiaires… une vraie piscine municipale dans la jungle, avec cris d’enfants et tout. Mais néanmoins jolie.

Ne pouvant pas faire de randonnée (Mike s’est fait mal au pied en surfant et je ne suis pas encore au top sur la durée), nous sommes repartis après deux jours d’exploration partielle et un voyage de retour plus que complet comprenant, dans l’ordre :
- 1 schoolbus bondé sur une route pourrie et avec un cochon vivant qui hurlait (3h)
- 1 bateau en bois de l’avant-guerre dont l’eau inondant la coque de manière inquiétante fut retirée à la main par un mec durant toute la traversée (1h30), « C’est bien, ça crée de l’emploi » dixit Micky. (Faudrait filer l’idée aux gérants de ferrys entre Lombok et Sumbawa…)
- 1 taxi partagé jusqu’au marché
- 1 pousse-pousse en vélo (les mecs doivent être sur-musclés avec tous les pavés et les routes cabossées)
- 1 tentative d’arnaque par un faux taxi d’où nous sommes sortis in extremis pour choper le dernier bus (petit moment de flip quand on a réalisé qu’il n’y avait pas de poignée intérieure…  mais le mec, magnanime, nous a finalement laissés partir)
- 1 autre schoolbus blindé et tout pourri sur une route caillouteuse et, enfin
- 1 ride providentiel juste après la pluie sur le toit d’un camion pour le dernier quart d’heure en stop.
Trop contents d’être enfin arrivés ! Les distances paraissent définitivement plus courtes sur la carte…

Bref, un bain de mer plus tard et nous avons réalisé que notre hôtel s’était fait envahir durant notre absence par une bande de teenagers américains surexcités et non surfeurs dont le seul but est de savoir combien de bouteilles de Flor de Caña (le rhum local) ils peuvent s’enfiler avant la fin du coucher de soleil.
C’est Spring Break à Popoyo…
On va pas aller jusqu’à se plaindre (il ferait, parait-il, un peu froid en ce moment en Europe…?) mais avoir la bande-son et les dialogues de Newport Beach en VO et en live à longueur de journée, CA VA QUOI.

Heureusement, une nouvelle houle arrive bientôt, suffisamment grosse pour nous faire oublier les clichés et autres frivolités qu’on entend du matin au soir. AND… OH MY GOD, THIS IS GONNA BE AAAAWESOME! LIKE, TOTES!













 







vendredi 10 janvier 2014

De l'oisiveté en voyage

La vie est composée d’une succession de choix, petits et grands, certes, mais choix quand même. Alors que je mettais un quart d’heure à choisir si oui ou non, j’allais prendre une assiette de crêpes au Nutella pour le dessert (l’avais-je mérité ? cela rentrait-il dans le budget ? en avais-je vraiment envie ?...), m’est alors apparue la trivialité des choix que nous devons faire une fois en voyage.
Le quotidien est devenu tellement simplifié ; l’abondance d’objets, d’éléments de consommation et de diversité d’action a fondu jusqu’au minimum, et il semble que nous en soyons réduits à quelques besoins primaires : manger, dormir, surfer. D’où finalement l’importance de la qualité des repas, et l’inquiétude face à la possibilité de voir son sommeil troublé par des backpackers en furie jouant au ping-pong au milieu de la nuit.
Face à cette vacuité évidente, je ne peux m’empêcher de me demander s’il est légitime de passer tant de temps à voyager, soit ne rien faire de constructif plutôt que de prendre part à un projet stimulant ou développer une carrière professionnelle.

La notion de temps et d’action est très paradoxale ici, car d’un côté il semble que nous ne faisons rien, que le temps est élastique et que l’oisiveté nous empâte, tant la vie est simple et facile ; même pour découvrir une région, il suffit de se laisser porter (par un bus, par un bateau, par nos tongs…). Mais d’un autre côté, ce pseudo-vide semble aussi activer une fonction cognitive qui elle ne cesse de réfléchir, observer, questionner, emmagasiner et finalement permet d’évoluer au sortir de tout ça. Et malgré le vide, le temps passe à une vitesse folle, et cette inaction apparente nous confine un profond sentiment d’humanité.

Certains disent que ces voyages ou séjours au soleil ne sont qu’une fuite. Après une douzaine d’année à alterner vie civilisée et de errance, je n’en sais toujours rien.
Le réflexe est de se défendre en disant que non ; voyager est constructif, que nous ne fuyons pas la vie mais allons à son encontre, que nous apprenons plein de choses, que nous rencontrons des gens et découvrons des cultures différentes, que nous nous ouvrons au monde… ce qui en soi n’est pas faux.
Mais n’est-il pas plus enrichissant et stimulant, en vue d’un bonheur durable et intrinsèque, de participer à un projet porteur et faire partie d’un noyau social stable, d’éprouver ce sentiment d’appartenance et d’utilité qui donne un sens à la vie ?

Ici nous avons tellement de temps libre, nous sommes tellement déconnectés, la vie est si simple et dénuée de pollution telle que la surabondance d’informations déprimantes et toxiques, de débats stériles, de téléphone, de mail, de bruit, de problèmes professionnels, de voisinage, de collègues, de soucis quotidiens qui en fait n’en sont pas… Toutes ces choses qui remplissent notre vie normale ont disparu, laissant la place au vide et le temps suffisant pour s’interroger sur le sens de la vie, celui qu’on lui donne ou qu’on souhaite lui donner.
Le fait d’avoir cette distance, cette longue parenthèse hors société, est bénéfique mais se révèle être aussi une source d’angoisse et amène son lot de questions existentielles : ai-je le droit de ne penser qu’à mon bonheur quotidien et égoïste durant plusieurs mois et d’être complètement inutile à la société et au monde ? Cela me rend-il véritablement plus heureux ou est-ce un leurre, un « quick fix » contre la peur de s’engager et de s’accomplir, comme me l’affirme depuis longtemps un ami qui voit dans ces voyages une échappatoire à la vie réelle ?

Ou bien le fait de vivre au quotidien en parfaite harmonie avec la nature, s’endormir et se lever en rythme avec le soleil, prendre le temps d’observer les vagues et les pélicans qui, majestueux, les survolent, savourer et valoriser son sommeil et l’abondance de fruits frais, apprécier le fait d’avoir de l’eau courante et de l’électricité car on ne peut jamais ici la prendre pour acquise, s’accorder du temps pour lire, réfléchir, et bavarder avec des inconnus, marcher pieds nus et sentir le contact du sable ou de la terre, tout comme la caresse du soleil sur sa peau, admirer le spectacle du ciel et de l’océan toujours en mouvement, surfer sans aucune autre raison ou but que l’action en soi, tel un musicien qui jouerait et rejouerait un morceau à l’infini, pour le seul plaisir de la musique et la beauté qui en émane.  Enfin revenir à des valeurs simples et se concentrer sur l’essentiel : la Beauté et l’Essence de la vie.

N’est-ce pas là aussi une réponse au vide existentiel qui soit aussi noble et valable que le fait de s’affairer dans l’action et réaliser mille et une choses qui ne sont finalement peut-être elles aussi qu’un leurre face au manque de sens de cette même vie ?
C’est toujours en voyage, durant ces heures de bonheur paisible, que je me dis que je devrais avoir un « vrai » travail, utile et constructif ; mais une fois derrière un bureau à passer des accords commerciaux et stresser pour des futilités, à se donner un vague sentiment d’importance et à laisser parler l’égo, il semble que la liberté d’errer sur le sable et passer ses journées dans l’eau donne bien plus de sens à la vie. Bon, si on ne surfait pas, les choses seraient certainement différentes et l’ennui véritable, mais avec cette quête de vagues et ce but infiniment renouvelable, même s’il n’a aucune utilité en soi, on trouve cependant l’équilibre idéal.

Peut-être que le sens de la vie n’a finalement d’importance que celle qu’on lui donne, et ni l’action ni la contemplation n’ont de supériorité l’une sur l’autre. Chacun remplit le vide comme il l’entend, et les projets constructifs viendront en temps voulu.
Vivre c’est être, et la simple contemplation de la beauté au quotidien, se fondre dans cette nature parfaite en surfant entre les vagues et le vent, profiter au maximum de l’instant présent, donnent finalement un sens au vide, et font de cette possible échappatoire une vraie raison de vivre.
Du moins pour l’instant.



mercredi 1 janvier 2014

Las Isletas

Quelques photos prises lors de notre balade en bateau autour des 365 petites îles présentes de ce côté du Lac Nicaragua, à quelques minutes à peine de Granada.
Les plus riches familles industrielles du pays et autres personnes de pouvoir, ainsi qu’une poignée d’étrangers ont réussi l’exploit de virer tous les indigènes en achetant leurs îles et ont ainsi fait fleurir les énormes villas hollywoodiennes qu’on y retrouve. Mis à part le concept original (une île, une maison), cet archipel est fantastique ! On y accède par des mangroves enchanteresses aux nénuphars vert fluo, survolés par quelques oiseaux exotiques, pour ensuite tranquillement naviguer autour des luxueux îlots, fastueux tant pour leur construction que pour leur flore sauvage et variée.

On est à présent de retour à la plage et les conditions sont bonnes, du surf tous les jours ; parfait pour bien démarrer l’année. Meilleurs vœux à tous !