jeudi 26 décembre 2013

Granada, perle du Nicaragua


Venir passer Noël à Granada s’est révélé être une grande idée ; pas de surf et pourtant ce fut magique tant cette ville regorge de trésors !

Granada, immédiatement sacrée « Ville la Plus Belle d’Amérique Latine » (selon une échelle très personnelle j’en conviens) lors de ma première visite en 2005, est une pure merveille.
Entourée de l’immense Lac Nicaragua en contre bas et du Volcan Masaya de l’autre côté, la vue du haut de ses nombreuses et magnifiques églises y est époustouflante.
Ses rues colorées où se mêlent calèches et gros 4x4, ses demeures coloniales à haut plafond et cour intérieure,  ses édifices bordés de bois exotique sculpté… chaque détail de son architecture la rend majestueuse et laissent deviner l’opulence de l’époque où elle était l’une des cités les plus puissantes de l’Empire Colonial. Se laisser porter en errant au hasard des ruelles est un régal.

Le contraste entre deux rues mitoyennes est d’ailleurs étonnant : à gauche de notre auberge le calme règne, un vélo ou un chien passent de temps en temps. En revanche immédiatement à droite se trouve l’équivalent de la rue Sainte Catherine bordelaise mais en version locale, soit en quelques mots : reggeaton ou bachata à fond dans chaque magasin, des stands de tout et n’importe quoi ou à même le sol proposant chaussures, culottes, casquettes, barrettes à cheveux, tortillas, amplis pour MP3, cigares, billets de banque, briquets, maïs grillé… et des gens partout, qui se bousculent, parlent, crient, achètent, commentent. Ici et là quelques flics endormis ou hypnotisés par leur portable ; ici et là un ou deux voisins de chambre perdus dans la masse et le boucan discontinu.
Bien sûr un peu plus loin se trouve le parc central parfaitement fleuri et décoré pour Noël où les touristes américains et vendeurs ambulants affluent du matin au soir. Mais malgré le tourisme national et international grandissant, les habitants et commerçants demeurent souriants et chaleureux, d’une gentillesse simple et non intéressée. Ou c’est du moins l’impression qu’on en a !


Nous avons donc trouvé un charmant petit backpacker (auberge de jeunesse) très justement nommé Oasis, s’agissant d’une ancienne maison coloniale rénovée, dotée d’un luxuriant jardin intérieur et même d’une petite piscine. Dans notre chambre située à l’extrémité de l’aile gauche, à l’écart et à priori si paisible, nous avons très bien dormi sauf quand :

 1. Trois jeunes américains -dont le QI ne dépasse pas la température ambiante- sont venus s’installer pour bavarder en plein milieu de la nuit juste sous nos fenêtres (quelle idée de mettre des fauteuils à cet endroit) et ayant mal pris nos aimables mais récurrentes demandes de faire moins de bruit s’il vous plait (bon en version Mike ça donnait plutôt : « Will you shut the fuck up ??!! »), se sont donné pour mission de venir systématiquement nous réveiller en rentrant de boîte en braillant. Ces petits génies ont même mis des œufs devant notre porte pour qu’on marche dessus… Ahah. Décidément les jeunes voyageurs sont si cool et pleins d’humour.

 2.  En rentrant de soirée, un couple nouvellement formé a décrété que notre salle de bain (parmi la quinzaine que compte la maison) était la plus idoine pour entamer une connaissance plus approfondie, partageant très généreusement (c’est Noël) leur ressenti personnel et autres grognements. Visiblement satisfaits, c’est avec le plus grand naturel qu’ils sont ensuite venus fumer leur after-clope dans les fameux fauteuils, juste devant nos rideaux ouverts. Ben oui quoi, en dortoir c’est pas pratique.

3. Mention spéciale pour le second couple -nos voisins de cloison- également très en forme et ayant pris bruyamment la relève deux fois dans la journée qui a suivi. Il semble que la pudeur ne fasse pas partie des principes universels.

Bref, les joies des backpackers. Au fond, on est un peu tous des hippies.

C’est donc avec soulagement et émotion que nous allons retrouver notre chambre pourrie de Popoyo, à la plage, où les gens sont certes beaucoup moins cools mais au moins dorment quand c’est l’heure car demain y a surf.

On aura quand même bien profité de Granada et ses alentours, dont la ville de Masaya. Située au pied du volcan du même nom, elle est surplombée par le Fort Coyotepe, une ancienne prison et centre de torture (dont tous les occupants ont finalement été massacrés par la Garde Nationale en 1983). Du fort la vue y est grandiose, mais pour l’énergie positive, on repassera… un brin oppressant. On y a également trouvé un grand marché d’artisanat joli et coloré, et par ailleurs salvateurs pour notre soirée de Noël jusque là prévue sans cadeaux. Nous arborons maintenant de magnifiques t-shirts siglés « Nicaragua » et pouvons boire notre café dans un mug assorti. C’est beau.

En espérant que vous ayez été aussi gâtés que nous, nous vous souhaitons de très joyeuses fêtes de fin d’année !

Granada en images


















 
                                        











lundi 23 décembre 2013

En attendant Godot

     « La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Cela n’a jamais été si vrai pour nous qui, deux semaines après notre arrivée, nous réveillons encore à 5h du matin. Si cela a ses avantages à la plage, pour être le premier à l’eau au lever du jour, on en trouve soudain beaucoup moins une fois en ville, comme en ce moment. Malgré cela, et le fait de devoir regarder chaque film en trois fois, puisque l’on s’endort irrémédiablement, chaque soir,  à 21h, j’aime ces premières heures du jour (ou de non-jour) où tout est calme et le reste du monde dort.
     C’est comme faire partie d’un secret, le silence règne mais le chant des oiseaux est perceptible à qui tend l’oreille, tel un cadeau, et les premières lueurs mêlées au reste d’obscurité donnent cette part de magie qui transforme chaque action banale –déambuler en silence dans les allées de l’auberge, se faire un café, s’installer dans un coin et observer, écouter – en une potentielle bêtise ou en tout cas un interdit, notre présence étant légitime sans totalement l’être.

     Aussi, à cette heure de la nuit ou du jour, c’est selon, s’exerce la magie des possibles ; l’inspiration est la plus grande et mille projets et idées tourbillonnent dans ma tête… Elles s’évaporent aussi vite que j’ai bu mon café et que la lumière du jour s’intensifie, une heure plus tard, mais enfin, cette parenthèse les a presque rendues palpables.

     La notion de temps est très étrange quand on est en voyage, qui plus est en Amérique Latine.
Nous semblons osciller en permanence entre un total laisser-aller (rien de plus normal, jetons nos montres, nous sommes en vacances) et un besoin irrépressible de rythme, malgré tout. L’heure du petit-déjeuner, l’heure du premier bus, Ouh! Déjà  midi, l’heure de manger, encore ! Si une fois à la plage, c’est tout de même l’heure de la marée qui fait loi, ailleurs, ce sont bien les repas qui régulent notre journée. Mais la nonchalance latine l’emporte toujours, et arriver au restaurant à 19h tapante ne veut pas dire que nous mangerons dans l’heure qui suit. Il y a une logique que je ne comprends pas, et peut-être que c’est ceci qu’il faut finalement comprendre : que de logique il n’y en a juste pas.

     Comme ce jour où nous avons quitté Popoyo pour nous rendre à Granada, à théoriquement 3h de route,  où nous sommes en ce moment.
Juan, la soixantaine, la parole rare mais sage, est le chef de la maison et chauffeur de taxi à ses heures (lorsqu’il ne fait pas la sieste ou ne lit pas Cosmopolitan dans un hammac). Juan donc, nous dit gravement le matin de notre départ :
  « Vous allez à Granada, il vous faut prendre le bus pour Rivas de 8h30 à Salinas, il n’y en qu’un par jour. Jessica va vous y amener quand elle revient. »

     Rapide coup d’œil à notre montre, il est 7h30 et nous sommes loin d’être prêts ! Coup de pression, vite empaqueter, vite stocker, vite les pancakes, vite les dents, vite payer, ouf 8h, c’est bon, vamos ! Mais point de Jessica. On attend, en vain. A 8h15, on tente un timide « Où est Jessica ? » ; on nous répond d’un ferme « Ya viene. (Elle arrive). » Mmm ok. Mais c’est juste que ça va être l’heure, non ? Et le temps d’aller à Salinas, enfin je sais pas, je dis ça… « No se preocupen ». (Vous inquiétez pas). Ah.
A 8h30, Jessica n’est toujours pas là, et Juan nous informe qu’il va nous amener. (Mais c’est déjà l’heure du bus, non ? Bon, d’accord…). Puis Juan se lave les dents. Il bavarde à la cuisine. Vérifie des choses et d’autres. Quand il se dirige enfin vers son Hilux d’avant-guerre et tente (en vain) de le démarrer, il est 8h45 et nous sommes au bord de l’apoplexie. Ils nous prennent vraiment pour des jambons ou quoi ???!!!

     En bons petits français, nous piétinons, bouillant de l’intérieur et nous demandant quel est le point d’y aller encore si l’heure est dépassée et merde quoi l’heure c’est l’heure !!
8h50. Juan démarre : « Vamonos ! ». (???!!!) Nous montons, dépités et relativement dubitatifs.
Quinze minutes plus tard, il nous dépose gentiment au milieu de nulle part, dans la campagne, au croisement de deux petites routes et devant un petit arrêt de bus, vide bien entendu.
Heu… Juan t’es sûr ? Tu nous laisses là ? Un seul bus par jour ? « YA VIENE EL BUS » (le bus va venir), nous réaffirme-t-il, confiant. Nous lui faisons donc nos adieux après l’avoir remercié et souhaité de bonnes fêtes, tout en calculant mentalement combien de temps cela nous prendrait-il de revenir à pied, sous 30 degrés et le poids de nos sacs à dos. Peut-être en stop sinon? (A tout à l’heure Juan, donc.)
     Alors nous attendons. Il fait beau, les fleurs sont jolies. Nous voyons défiler tour à tour des poules, des cochons, des énormes mules, un surfeur, des paysans en vélo, un camion pourri… mais point de bus, ô désespoir.
     La situation est si absurde que nous cherchons en quoi notre logique a faillé au point de nous laisser docilement amener dans un trou si perdu, alors que l’unique bus du jour est passé depuis belle lurette ; c’est donc ça la magie du voyage ??! Ce fake, la belle arnaque.

     Lorsque soudain, miracle, nous entendons un vrombissement et apparait alors le museau jaune et bariolé du vieux schoolbus américain, d’où nous pouvons lire « Sonrie, Jesus te ama ! ».
     Il est 9h20.
     Normal.
     Au temps pour nous et notre notion du temps si conventionnellement pragmatique.
     Merci Jésus qui nous aime, et merci Juan pour cette leçon, il était temps qu’on s’adapte !




mercredi 18 décembre 2013

Les premières images du Nicaragua















Nicaragua - La vida tranquila

   Quelques nouvelles depuis notre départ et pour ce premier billet. On n’a encore jamais tenu de blog mais on va faire au mieux et essayer d’envoyer des news régulièrement, au cas où ça en motiverait certains à nous rejoindre ! A priori, ce sera moi (Océane) à la plume et Mike à la photo.

   Et il y a de quoi photographier ! Les Dieux étaient avec nous sur ce coup là car notre première semaine coïncide avec le début d’une houle parfaite et assez rare à cette époque ; les vagues sont juste magiques !!! Après un voyage long de 3 jours, dont une escale à New York (en fauteuil roulant, beaucoup moins pénible pour le coup), une nuit à San José au Costa Rica, et la journée du lendemain dans un bus pour la frontière et traverser une partie du Nicaragua, nous sommes finalement arrivés à Popoyo, un village en front de mer offrant des possibilités de surf très prometteuses.

   Nous avons posé nos bagages dans un petit « hôtel » familial, un peu limite côté confort (une salle de bain commune à tous avec parfois de l’eau, pas de moustiquaire mais bien des moustiques et autres insectes non identifiés, des murs en plâtre qui s’effritent et un toit en tôle qui vacille à chaque poussée de vent) mais vraiment pas cher. Chaque matin nous nous promettons d’en changer, en vain, les deux autres hôtels convoités sont complets et réservés jusqu’au nouvel an.
   Cela dit dans notre inconfort nous sommes royalement installés, l’hôtel étant le plus proche du spot de surf, coincé entre une petite lagune et un ruisseau qui coule le long du grand salon ouvert dans lequel nous prenons nos repas, qui plus est orné de peintures locales très colorées et de hamacs, fauteuils à bascule, canapés, tables… le grand luxe ! Déguster des fruits exotiques et des pancakes à la banane au bord de l’eau, rafraîchis par une petite brise matinale et entourés d’oiseaux sauvages n’est pas du plus désagréable.

   Le Nicaragua s’est beaucoup développé ces dix dernières années mais quelle joie de voir que cela reste encore très modeste. Le décor nous rappelle parfois la côte du Michoacán au Mexique. La nature est partout et luxuriante, la plage est bordée de petites dunes et collines d’où surplombe une végétation dense d’un vert profond. On trouve le long de la route caillouteuse prenant fin à l’embouchure de la rivière du village, quelques maisons ou hôtels en construction, des habitations locales et une poignée de restaurants, mais les touristes (en majorité français en ce moment) restent encore peu nombreux et internet est difficile d’accès. Au final nous avons bien l’impression d’être perdus au fin fond de l’Amérique Centrale et c’est exactement ce que nous voulions. Enfin, pas si perdus car j’ai retrouvé par hasard un Belge que j’avais rencontré lors de mon premier voyage au Costa Rica il y a treize ans ! D'ailleurs, à une petite heure de marche, la plage suivante est envahie par de riches américains ayant fait construire des maisons secondaires colossales. Mais enfin, nous ne les voyons pas.
   Les gens que nous croisons sont gentils et avenants ; les chiens, les vieux et les enfants se prélassent dans un hamac ou à même le sol le temps d’une (longue) sieste, la vie est douce. Quel bonheur d’être enfin là où rien ne presse.

   Notre seul souci est de savoir où et quand surfer, et comme je disais plus tôt, nous n’avons pas été déçus pour l’instant. Des vagues solides et régulières (apparemment les meilleures depuis des semaines), de l’eau chaude, un vent de terre toute la journée et pas trop de monde - parfois 3 à l’eau. Ici encore, j’ai l’avantage d’être une fille car mes meilleures vagues m’ont été offertes par des locaux, qui souvent m’encouragent si je rame sur une bombe. C’est clair qu’on n’est plus en France !

   Mickaël est content lui aussi, outre des reefs de gauches et droites parfaites, nous avons trouvé à quelques kilomètres plusieurs beachbreaks de fou où enchaîner les tubes (enfin pour lui, moi c’est pas gagné ; un des spots est « carré comme à Pascuales » -géniaaal-, les personnes concernées comprendront).
J’avais oublié à quel point la vie est belle quand on surfe des vagues magiques comme celles de ces jours-ci. Je n’aurais pas dû retourner à l’eau aussi vite et vais devoir rester au repos de nouveau, mais pas une seconde je regrette ces sessions, du pur bonheur !

   Alors voilà, nous sommes là, fatigués et heureux, et nous commençons à réaliser la chance que nous avons que notre vie à venir durant les quatre prochains mois sera exactement comme ça, riche et composée de juste l’essentiel : l’océan, la nature, des sourires, de la chaleur humaine, des rencontres, des livres, de la sérénité. C’est marrant comme tout cela reste très vague quand on est encore chez soi, on peut savourer son départ et imaginer ce que l’on va trouver, mais ces pensées sont en fait bien fades en comparaison de la réalité, dans laquelle nous sentons et percevons les choses pleinement.  La caresse du soleil sur sa peau, la douceur de l’eau qui nous frôle lorsque nous ramons, la fraîcheur du premier canard, le clapot des gouttes d’eau qui retombent derrière chaque vague, le bruit du vent qui agite les feuilles des hauts manguiers, les milles nuances de rose du soleil qui se couche, la fatigue extrême ressentie après une grosse journée de surf et de chaleur. On entend aussi le perroquet de la maison qui, d’un rire hystérique, imite la proprio et salue à tout va, de la bachata, du reggaeton ou des vieux tubes latinos en fond sonore à plein volume du matin au soir, les cris des enfants ou de mecs un peu pompettes se poussant pour entrer à dix dans un camion... C’est plein de vie. C’est super. Bien sûr ces petits moments d’humanité et de bonheur existent aussi chez nous, mais il semble que quand le ciel est gris, que l’hiver nous force à rester enfermé et enlève le sourire du visage des gens, c’est tellement plus compliqué de se souvenir de la beauté de la vie.
C’est ce que nous avons enfin retrouvé ici !