lundi 24 mars 2014

Quand les promoteurs immobiliers ruinent les plus beaux spots de surf

     Nous sommes de retour à Santa Catalina  où finalement, après 2 semaines au fin fond de la campagne, sans internet (addict, nous ? ouais peut-être…) et au régime riz/lentilles/bananes quasi quotidien, c’est un réel plaisir de retrouver tout le confort de notre cabane studio tout équipé chez Sherlley, petit chat compris. Nous n’aurions jamais cru être aussi heureux de pouvoir acheter des M&Ms et des légumes ! Et puis finalement, marcher seulement 5 minutes pour aller surfer, c’est pas si mal. Bref on apprécie à fond tous les bons côtés du village, même s’il y a un peu de monde à l’eau et plein de touristes. Comme quoi tout est question de perspective.




     Notre tour de la Péninsule d’Azueros s’est révélé intéressant, mais quelque chose nous a quelque peu interpelés (sidérés ?).
Commençons par Playa Venao, beach break assez sympa où il n’y a avait dans le passé rien d’autre qu’un petit restaurant sur la plage, obligeant quiconque voulant y surfer à camper. Le reste n’était que désert et plaines arides (et chevreuils –venado- comme son nom l’indique). On nous avait pourtant prévenus : « N’y allez pas !!! C’est pourri, des Israéliens ont tout acheté et ont construit des resorts de luxe, il n’y a plus un local et puis la vague est naze, que des close-out. » Ah.
     Oui mais bon en attendant, est-ce que ça pouvait être pire que marcher une heure par 45°C pour une session de surf ? Pas forcément… Et puis quitte à dire à tout le monde que c’est nul, autant y avoir été pour se faire une idée.
     Bref, nous arrivons à Playa Venao, petite baie magnifique et sauvage dans mes souvenirs, pour découvrir -ô vision d’horreur- des camions et tractopelles dans tous les sens faisant un boucan infernal ! Nous nous rapprochons et découvrons en image géante format 2x2m les ambitions des nouveaux propriétaires de la baie : un immense centre touristique, avec parking bétonné, hôtels 4* et boutiques de luxe. Du délire ! Nous sommes au milieu de la pampa, la ville la plus proche est à 1h de route, Panama City à 7h. Qu’à cela ne tienne, ils ont dans l’idée de construire une fausse ville façon Palm Springs en partant de rien, et ils ont déjà bien avancé. Un autre concept du développement… Et ils ont hélas intégralement défiguré l’endroit. Mais pour ce genre de tourisme, ne pouvaient-ils pas choisir une plage autre qu’un spot de surf ??? Allô, on est au Panama, avec seulement 2500km de côte!

(Ça a l'air beau comme ça mais en fait il y avait des travaux et constructions partout, un carnage).





     Le deuxième effet kiss cool ne tarde pas à se faire sentir, quand nous découvrons les tarifs pratiqués : 100$ minimum pour une chambre, 20$ pour un plat, 7$ pour un cocktail… ou comment dépenser le budget d'un mois en trois jours. OK. Pour nous ce sera chips et céréales merci, heureusement que nous avons pensé à faire des courses sur la route.
     Pour la modique somme de 35$, nous passons les deux nuits les plus pourries de notre voyage (en sérieuse compétition avec notre nuit dans un bordel de San José) dans un cube d’environ 5m2 (à peine la place pour un lit double) dans l’hostel où logent les employés des différents resorts et restaurants de la plage. Une grande expérience.

     Heureusement, une fois de plus notre bonne étoile nous a suivis et nous scorons des vagues incroyables pendant ces 3 jours. Un peu molles certes, mais des droites et des gauches bien longues et dans tous les sens, super sympa ! Et puis ça change de surfer un beach break, ça fait du bien. Le niveau à l’eau est plutôt très moyen, avec de nombreux débutants, nous nous gavons. Finalement, Venao, pas si pourri… Et je me dis qu’heureusement, ces promoteurs n’ont pas accès à l’océan. Il nous restera toujours ça.





     La deuxième surprise eut lieu en arrivant sur le deuxième spot, à 8h de bus, la dernière petite merveille du Panama, appelons-le Secret. Officiellement découvert il y a 4 ans (j’en connais qui y surfent en prenant soin de ne pas l’ébruiter depuis 8 ans), ce spot s’apparente aux meilleures vagues mexicaines et on en parle comme d’un mini Pascuales. Des barriques parfaites quand la houle et le vent se sont mis d’accord, soit durant une bonne partie de l’année. Jérémy Flores y a d’ailleurs tourné sa dernière campagne de pub Quiksilver, bref c’est une BONNE vague. Et de même, elle est à 2h de route de la ville la plus proche, après avoir traversé champs, rivières, ponts cagneux, vaches et chevaux…


     En face de la vague, rien. Pour y accéder, rien non plus. Si t’as pas de 4x4, tu peux pas y aller. Pour dormir, il faut rester à 20km de là, dans l’un des deux petits hôtels disponibles. On pourrait donc supposer que ce coin, ayant un si grand potentiel mais étant encore si peu développé, soit une opportunité pour s’installer et que les terrains soient encore relativement accessibles…

     QUE NENNI !!! Tout a déjà été acheté. Oui, oui, TOUT. Pas seulement une colline ou deux, ni même trois, mais bien TOUT. Un vieux riche Norvégien est arrivé et a acheté, pour une bouchée de pain, toute la côte et les collines environnantes, des centaines d’hectares. C’est un peu le propriétaire de la région. Du coup, il construit des maisons de luxe plus ou moins grandes pour ses amis ou d’éventuels retraités américains (qui ont déjà commencé leur migration) et vend des terrains à des prix astronomiques, au vu du désert pastoral alentour.
     Le mec a dans l’idée de construire un village à sa manière. Il a un rêve. C’est beau. Mais putain, pourquoi toujours investir près d’un spot de surf si c’est pour en faire un village de retraités blindés qui n’en ont rien à foutre ??!!


     Quel gaspillage ! Ca me met hors de moi. Et comment vont faire les jeunes et les locaux pour s’installer et monter un projet, utiliser leur énergie pour faire des trucs sympas, des petits commerces, développer la région, que sais-je ? Comment vont faire les surfers moyens qui aiment encore voyager de manière simple la planche sous le bras pour accéder à des endroits comme ça ? Qui va dynamiser ces villages si seulement des vieux y habitent et la terre se vend aussi cher qu’à Biarritz ? Même la plage entière a été achetée par un autre investisseur de poids, le big boss de Reef... et une chose est sûre, c'est pas pour y construire un charity surfcamp!
     D’autant plus qu’à ce jour, rien ne justifie ces prix absurdes des terrains, c’est de la pure spéculation, et je le répète, pour moi c’est du délire. C’est une bête anticipation d’un futur en réplique du Costa Rica.  Mais au moins au Costa, où à Bocas del Toro, ou même à Santa Catalina, l’augmentation des prix est justifiée ; de par leur histoire, le nombre de touristes, le développement, ces lieux ont pris de la valeur de manière logique (bien qu’ils aient atteint des sommets à la limite de l’indécence). Mais comment justifier une multiplication par 100 décrétée seulement par un seul homme. C’est révoltant. Je ne comprends même pas que ce soit autorisé, qu’un seul homme soit propriétaire d’un ou plusieurs villages, ayant le pouvoir de privatiser un spot ou le monopole de développement d’une région entière.

     D’ailleurs en ayant voyagé un peu, c’est partout le même constat : les spots de surf sont souvent victimes des promoteurs qui les choisissent pour investir et développer des projets de tourisme de masse. Puerto Escondido au Mexique, Tamarindo au Costa Rica, Santa Catalina et Venao au Panama, Montañita en Equateur, Mancora au Pérou, le Bukit à Bali et même Hossegor et Capbreton en France.
     Toutes ces plages étaient à la base minuscules et inconnues, de petits villages de pêcheurs prisés par les surfeurs et dont la popularité a grandi jusqu’à intéresser les gros billets n’ayant aucun intérêt pour la durabilité de leurs projets, l’écologie ou la population locale. Le surf les a rendues si cool et attrayantes qu’elles sont maintenant défigurées, polluées et envahies par le tourisme de masse et les résidences secondaires. Si bien que les locaux ne peuvent plus s’y loger… A commencer par la France.

     Voilà le triste constat que notre tour nous a amenés à faire. Et en toute honnêteté nous sommes un peu déçus car nous nous voyions déjà monter une auberge à Secret, ahah ! Tant pis, nous irons investir nos millions à Biarritz. Mais rassurez-vous, pour aller à Secret il ne faut pas encore être riche, il suffit juste de chercher un peu, alors profitez-en avant que les vieux gringos n’envahissent la place !

     Mis à part ce coup de gueule et le bruit des tracteurs, les vagues et la plage étaient quand même bien cool. Et les gens que l’on a croisés très gentils.
Voici les photos !





















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